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filpac Gascogne Mimizan
22 novembre 2014

SANTÉ ET TRAVAIL - SOUS LA CONTRAINTE, LA

SANTÉ ET TRAVAIL - SOUS LA CONTRAINTE, LA VIOLENCE ORGANISÉE

samedi 22 novembre 2014

Santé et travail : sous la contrainte, la violence organisée

L’expression de la souffrance au travail liée à son intensification s’entend quotidiennement, que l’on travaille dans la métallurgie, la chimie, une banque, une grande surface, La Poste ou un hôpital. Mais la mise en statistiques, courbes, graphiques par la très officielle Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) permet de valider que, comme le rappelait Marie Pezé, « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » [1].

La dernière publication de la Dares de juillet 2014 sur les conditions de travail s’intitule clairement : Reprise de l’intensification du travail chez les salariés. Après une pause entre 1998 et 2005, l’aggravation des conditions de travail est repartie à la hausse depuis cette date.

Ainsi la proportion de salariéEs soumis à au moins trois contraintes (cadence, collègues, clients, norme de production à l’heure, à la journée hors contrôle ou suivi informatique) est passé de 6 % à 35 %. Derrière cette moyenne se cache une pointe maximum de 50 % d’ouvrierEs concernés, mais aussi une généralisation à l’ensemble des salariéEs, avec 30 % de concernéEs pour les employéEs et près de 26 % pour les cadres.

Les contrôles liés à l’informatique concernent aujourd’hui 35 % des salariéEs contre 25 % en 2005.

Sous la contrainte...

Si les marges de manœuvre des salariéEs baissent faiblement, et les variations d’horaires progressent aussi faiblement, il est symptomatique de constater la baisse significative de la possibilité d’arrangements entre collègues en matière d’horaires : de 47 % en 2005 à 42 % en 2013.

La généralisation de l’informatique et des téléphones portables rend toujours plus perméable la séparation travail / vie privée. Si les femmes sont plus nombreuses à utiliser l’informatique et internet (74 % contre 68 % pour les hommes), elles sont moins nombreuses à utiliser un ordinateur portable (19 % contre 28,5 % pour les hommes).

Quant aux contraintes physiques, si leur progression est ralentie, il est toujours impressionnant de voir qu’on est passé de 12 % de salariéEs soumis à au moins trois contraintes physiques (rester debout, longtemps dans une posture pénible, port de charges, vibrations, bruit... 15 % pour les hommes et 7 % pour les femmes) en 1984, à 34 % en 2013 (40 % pour les hommes, 28 % pour les femmes).

Robert Pelletier

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Une dissimulation organisée

Traditionnellement les questions d’organisation et de santé au travail sont peu prises en compte par les organisations syndicales. L’enjeu principal de la lutte des classes reste le salaire, le partage de la plus-value. Si une organisation comme la CFDT a pu, dans l’après 68, prendre en charge ces questions, son évolution politique générale a ôté tout aspect subversif à ce positionnement. La croissance quasi ininterrompue du chômage n’a fait que renforcer cette tradition.

Une constante minoration

Cette invisibilité politique et sociale s’appuie sur une sous-estimation systématique de la réalité de l’accidentologie et de l’ampleur des maladies professionnelles. L’invisibilité de cette question est renforcée par la difficulté à engager des luttes, des mobilisations sur ces questions. Il aura fallu le scandale de l’amiante et ses dizaines de milliers de décès, les vagues de suicides « révélant » les risques psychosociaux à La Poste ou chez Renault pour que les questions de la santé, de souffrance au travail, deviennent des faits politiques.

Les seules évaluations qui s’approchent de la réalité sont celles concernant les suicides – autour de un par jour – et des accidents mortels – autour de deux par jour. Le caractère exceptionnel des ces événements les rend difficilement masquables.

Pour les accidents du travail, l’administration reconnaît une sous-déclaration de près de 10 % pour les accidents avec arrêt (sur un total de 750 000 accidents) et de près de 50 % pour les accidents sans arrêt (sur 550 000). En ce qui concerne les cancers, moins de 2 000 (dont 80 % liés à l’amiante) sont reconnus comme consécutifs à une activité professionnelle, contre 5 à 10 000 attribuables...

Pour les troubles musculo-squelettiques (TMS) [2], près de 50 % ne seraient pas déclarés. Pour les asthmes et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), 30 % de sous-reconnaissance, et 90 % en ce qui concerne les dermatoses et la surdité.

Environ 25 % des arrêts pour maladie de longue durée ont un lien avec un problème rhumatologique, 45 % des arrêts sont en rapport avec un problème rhumatologique et psychique, deux affections très liées entre elles et favorisées par le travail. Pour autant, il n’y a pas à ce jour d’évaluation de la sous-déclaration des affections dorsales et lombaires.

Le coût de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles qui pèse sur la Sécurité sociale a été évalué entre 587 millions d’euros et 1,1 milliard d’euros...

Mensonges, menaces et sanctions

Un des moyens essentiels de la sous-évaluation consiste en une « externalisation » des causes. Ainsi, l’exposition à l’amiante résulterait du bricolage à la maison et ne serait dangereuse que pour les fumeurs. De même pour les lombalgies qui résulteraient également du bricolage ou de la pratique de sports. Pour les cancers liés à l’utilisation de produits toxiques dans les entreprises ou les chantiers, la détection, leur reconnaissance comme liés aux risques professionnels est une véritable course d’obstacles.

Les atteintes à la santé dues au travail sont systématiquement renvoyées à des situations individuelles dans lesquelles le travail n’est qu’un élément parmi d’autres. Individualisation et culpabilisation accentuent les pressions à la sousdéclaration. La généralisation de la reprise d’activité sous arrêt de travail contribue à une minoration des conséquences des accidents ou des maladies professionnelles.

La sous-déclaration est systématiquement organisée. Les pressions, menaces, sanctions salariales et de déroulement de carrière, permettent ainsi aux directions d’entreprise de faire baisser drastiquement les statistiques. Mutations, licenciements sont souvent au bout de la trajectoire d’un accidentéE du travail. Même les médecins du travail, censés être des acteurs essentiels de la prévention, sont victimes de pressions, voire de répression (voir le cas cas du Docteur Huez [3]).

R.P.

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Attention hôpital malade

Depuis quelques années, les agents hospitaliers du CHU de Toulouse subissent les restructurations et la mise en place des mécanismes facilitant la casse de l’hôpital public.

Le paiement à l’acte, l’intéressement des praticiens hospitaliers aux résultats financiers de leur service, les dépassements d’honoraires à l’hôpital, l’installation du privé lucratif dans les locaux hospitaliers, compromettent un accès aux soins égalitaire et de qualité. Ils sont aussi la source d’une profonde perte de sens des métiers de soignants ou para-soignants (techniciens sur les machines biomédicales, travailleurs sociaux, secrétaires, administratifs ou ouvriers dont l’action a un impact sur les usagers). Les actes de résistance au passage de l’« hôpital excellence » à l’ « hôpital entreprise » sont nombreux.

La souffrance au quotidien

La tarification à l’activité [4] est devenue le mode de financement quasi exclusif des hôpitaux depuis 2008. Mis en place sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, ce mode de financement entraîne une recherche de taylorisation des soins, souvent par des méthodes de « lean-management ».

Alors que le « prendre soin » constitue une source de sens et d’engagement professionnel fondamental dans tous les métiers hospitaliers, les petites actions qui conditionnent la qualité du soin ( [5] ne sont plus valorisées par la hiérarchie, et ne sont plus prises en compte pour l’attribution des effectifs ou le remplacement des absences. Le sous-effectif par rapport à la charge de travail réelle est devenu la « règle d’or » de l’austérité à l’hôpital.

La situation de souffrance du personnel hospitalier prend alors de multiples formes : épuisement physique dû au non-respect de la réglementation du temps de travail, souffrance éthique due à la sensation de mal faire son travail [6], ce qui signifie en milieu hospitalier être maltraitant...

Des résistances

L’acte de soin et de prendre soin résiste, par des actes individuels [7], au modèle de prestation marchande et aux exigences de l’évaluation comptable. Mais le plus souvent, c’est une « explosion » silencieuse que l’on observe derrière la façade des services « qui tournent bien » : démissions, requalifications, accidents de travail, maladies professionnelles, épuisements professionnels, « burn-out » allant même jusqu’au suicide [8])...

Ce cocktail explosif est encore aggravé par des pratiques managériales brutales, parfois violentes : culpabilisations pour venir travailler sur les repos, « mobilité » des agents entre services au mépris du bon fonctionnement, notations humiliantes, entretiens individuels jugeant le « savoir-être » des agents et non le « savoir-faire », encouragement à la démission, licenciement de contractuels...

Fort heureusement, les résistances collectives ne sont pas absentes, comme en témoignent les mobilisations construites par la Convergence des luttes contre l’Hôstérité tel le récent rassemblement du 23 septembre.

Julien Terrié

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Santé au travail contre management néolibéral

Dans la bataille pour gagner toujours plus d’argent, la dernière théorie en vogue est le « lean management » (du mot anglais lean = maigre, léger) qui reprend l’image du dégraissage constant : il s’agit de supprimer le gras, tailler dans les effectifs... au risque, comme pour l’anorexie, de déboucher sur la mort. Mort des salariés épuisés, mort de l’entreprise qui finit par ne plus fonctionner.

Petit inventaire...

Grâce à l’informatique, les patrons veulent tout contrôler en temps réel. Le progiciel SAP règne en maître : il indiquerait à tout instant les secteurs où l’on gagne de l’argent... et éventuellement là où l’on en perdrait (ou l’on en gagnerait pas assez !). La fameuse interdiction de parler venue du 19e siècle, traduite en « ne parler que du travail ». Suppression des déplacements inutiles qui permettaient de causer avec les collègues. Tout ce qui n’est pas discours sur l’amélioration de la productivité doit être exclu de l’entreprise.

Des bureaux, des ateliers, on veut exclure les syndicats et leurs tracts, les activités culturelles, les fumeurs, les sportifs, les joueurs, les amoureux...

Interdiction des téléphones portables sous prétexte de sécurité, des interruptions de tâche qui risquent de faire perdre sa concentration au salarié : dire bonjour et prendre des nouvelles est une interruption de tâche potentiellement dangereuse…

La formation, qui autrefois en salle donnait lieu à des échanges collectifs, est remplacée par la formation individuelle sur ordinateur, sur le temps libre et même si possible chez soi…

Surveillance par vidéo, par compteurs informatiques, des ventes, des pièces réparées ou fabriquées. Surveillance par le chef, avec les fameux bureaux paysagers. Surveillance par le client que l’on met en contact direct avec le salarié, supprimant les obstacles et les guichets, au risque de violences.

Chez Japan Airlines, on équipe le salarié de montres qui donnent sa position dans l’aéroport pour pouvoir l’envoyer à tout instant en renfort. Les routiers, eux, sont pistés par le GPS de leur camion : une pause trop longue, et c’est le coup de fil ! Chasse aux pauses : on les met en fin de service, comme le repas, pour que les salariés partent plus vite chez eux et supprimer ces derniers moments collectifs. Ou alors on les échelonne dans la journée, le salarié prend sa pause, tout seul.

Autoflicage par le salarié lui-même, à qui l’on fait accepter lors des fameux entretiens individuels des objectifs qu’il ne pourra que difficilement atteindre, et qui seront réévalués chaque année.

Suppression de nombreux services administratifs : le salarié doit se débrouiller sur son temps libre pour résoudre ses problèmes de paie, de maladie, ou de factures. Résultat : un travailleur isolé, déprimé, épuisé, qui parfois ne voit que le suicide comme forme désespérée de protestation. Une souffrance sociale qui se traduit en arrêts de travail et dépressions (qui coûtent très cher à la société).

Résister au quotidien

Heureusement il y a de la résistance, avec paradoxalement une stagnation de la productivité depuis 2005 dans les pays industrialisés. D’où la volonté de baisser le salaire horaire et d’augmenter le temps de travail.

Il faut refuser les dispositifs de surveillance en se servant des limites légales. Se cacher : affiches sur les baies vitrées, plantes, dossiers...

Organiser des espaces de subversion. Le premier est par exemple l’espace fumeurs. Organiser des pots. Fêter les événements familiaux. Développer les échanges...

Utiliser les nouvelles technologies : les réseaux sociaux, les mails sont des moyens très pratiques de faire circuler clandestinement tracts, infos, blagues… Échanger sur les rendez-vous sportifs, suivre la course transatlantique sur internet... pour développer la sociabilité et le collectif.

Jouer sur les nécessaires échanges et coopérations dans le travail.

Retourner le mécontentement du client contre la hiérarchie.

Ce combat dépasse les frontières de l’entreprise, car la charge pèse sur le salarié mais aussi sur le client qui peut « péter les plombs ». C’est la société du low cost, où l’on n’a plus de services, sinon payants. Mais on n’a plus d’argent, alors…

Des protestations, des révoltes se produisent. À nous de les mettre en valeur. Pour mieux retrouver le sens du travail, être utile aux autres.

PELLETIER Robert, LE JEANNIC Joël, TERRIER Julien, JUDAS Francis

 

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