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filpac Gascogne Mimizan
9 janvier 2011

une colère communicative ?

Emeutes du chômage et de la faim en Tunisie et en Algérie : une colère communicative ?

dimanche 9 janvier 2011

Ces deux pays sont à nos portes et connaissent une crise sans précédent et une répression policière sauvage sur fond de censure médiatique. Pourtant, la France depuis le début de cette révolte de la faim et des chômeurs diplômés, est frappée d’un mutisme tant étrange que significatif.

Comme si nos super experts en science libérale avaient la chique coupée, et redoutaient que le scénario maghrébin ait un effet d’entraînement. C’est que l’austérité européenne est cousine du mauvais traitement infligé à la jeunesse maghrébine.

Et puis Sarkozy est au soleil des Antilles, en campagne électorale payée sur les frais de fonctionnement de la présidence.

Depuis un mois, la Tunisie connaît des mouvements permanents, lancés par le geste de colère et de désespoir d’un jeune diplômé chômeur, qui s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid. Depuis, un deuxième chômeur a imité ce sacrifice, et la répression policière cogne aussi fort que la censure est lourde sur les médias. Avocats, lycéens, étudiants manifestent face à un pouvoir totalitaire qui ne répond que par la répression. On parle de plusieurs dizaines de morts.

En Algérie, c’est une brutale hausse des prix de plusieurs denrées de base qui a jeté la jeunesse dans la rue depuis le début de la semaine. Après une pause dans la matinée, les troubles ont redémarré vendredi après-midi à Alger, Oran (ouest) et Annaba (est), forçant le pouvoir à une réunion d’urgence samedi pour étudier les moyens de juguler l’inflation. Ces deux nations, très différentes, partagent deux points communs de taille : des systèmes politiques autoritaires et sclérosés et une jeunesse pléthorique et sans espoir.

Pourquoi cette révolte ?

En Tunisie, c’est le geste de Mohamed Bouazizi qui a mis le feu aux poudres. Ce diplômé chômeur de 26 ans, dont la famille est étranglée par les emprunts, s’est immolé par le feu, le 17 décembre, devant la préfecture de Sidi Bouzid après la confiscation de la marchandise qu’il vendait à la sauvette. Grièvement brûlé, il est mort mardi. Chômage, absence d’emploi et de perspective d’avenir, mépris des autorités qui ont refusé de le recevoir : le cas Bouazizi a ému les habitants de Sidi Bouzid et fait des émules. La violence de la répression policière a alimenté la colère de la jeunesse : une semaine plus tard, la police tuait deux manifestants à Menzel Bouzaiane (dans le centre du pays). Des avocats qui entendaient manifester leur solidarité ont été violemment battus le 28 décembre. D’où la grève générale de la profession observée jeudi. Depuis une semaine, ce sont surtout les lycéens qui entretiennent la flamme de la contestation.

En Algérie, une hausse brutale des prix des denrées de première nécessité (23% pour les produits sucrés, 13% pour les oléagineux, 58% en un an pour la sardine) a entraîné des troubles à Oran, puis en Kabylie et à Alger. Le rituel de l’émeute sociale n’est pas nouveau en Algérie, mais ce qui l’est, c’est la simultanéité et l’ampleur des troubles.

Qui se révolte ?

En Algérie, comme dans le reste du Maghreb, ils sont ceux qu’on appelle « les diplômés chômeurs ». En Tunisie, le taux de chômage des jeunes diplômés, officiellement de 23,4%, frôlerait en réalité les 35%. En Algérie, le même indicateur toucherait plus de 20% des jeunes diplômés, très loin des 10% officiels. Au Maroc, où le mouvement des diplômés chômeurs est institutionnalisé depuis plus d’une décennie, six d’entre eux ont d’ailleurs tenté de s’immoler devant le ministère du Travail, à Rabat, dans les jours qui ont suivi l’affaire de Sidi Bouzid. L’effet de miroir et de contagion est désormais facilité par Al-Jezira, la chaîne arabe d’information qui a supplanté les chaînes françaises.

Entre les lycéens tunisiens, qui sont devenus le moteur de la mobilisation, et la jeunesse pauvre d’Alger s’attaquant à une bijouterie dans le quartier chic d’el-Biar, ce sont, en fait, tous les jeunes qui sont en ébullition. Pas étonnant dans des pays où les moins de 20 ans représentent près de 50% de la population, alors qu’ils sont dirigés (à l’exception du Maroc) par des hommes nés entre les deux guerres.

En Tunisie, de plus, la révolte touche d’autres couches comme les avocats, au nom de la défense des libertés publiques. C’est dans ce pays que la liberté d’expression a été la plus caricaturalement réprimée, ajoutant au sentiment d’étouffement de toute la société.

L’Algérie est riche, les Algériens sont pauvres, la Tunisie est sous la coupe d’une famille

L’Algérie est riche, les Algériens sont pauvres. La performance économique algérienne tient à l’industrie pétrolière et gazière, dont les profits viennent nourrir une oligarchie qui ne partage rien, surtout pas la démocratie. Le pouvoir algérien repose sur des élections truquées comme jamais ; la rue est gérée à la trique, et les islamistes - tant qu’ils désertent le champ politique - sont libres de dicter leurs vues à la société. Pendant ce temps, le pouvoir et la richesse nationale restent confisqués par la petite clique politico-militaire qui dirige le pays, comme l’a révélé le scandale de la Sonatrach, qui a éclaté il y a un an et a conduit à la démission du ministre du Pétrole, un proche de Bouteflika.

En Tunisie, les frasques et l’avidité de la belle-famille de Ben Ali font les délices des télégrammes américains - qui parlent d’un Etat « quasi-mafieux » - révélés par WikiLeaks. Elles amusent moins les Tunisiens, qui touchent du doigt les limites du « miracle » qu’on leur chante tous les jours dans les médias officiels. La presse indépendante n’existe plus, et les partis d’opposition ont été réduits à des clubs privés qui passent leur temps à tenter de se réunir. Désormais, le seul espace de liberté est Internet : c’est sur Facebook que se passe la mobilisation lycéenne, et c’est sur la Toile qu’une « cyberguérilla » - emmenée par un groupe nommé les Anonymes - attaque les sites gouvernementaux. D’où les arrestations de blogueurs (dont celles de Slim Amamou et El Aziz Amami) qui se multiplient depuis jeudi. Même le Maroc, le pays où les libertés sont les plus importantes au Maghreb et celui où les partis ont un vague rapport avec la réalité, est en pleine régression démocratique. La vie politique est gérée depuis le palais, qui contrôle aussi l’essentiel du secteur privé.

Des régimes immobiles

En Algérie, l’après-pétrole se fait toujours attendre. Craignant que les investisseurs étrangers ne fassent main base sur le tissu économique local, Alger a promulgué du jour au lendemain l’année dernière une nouvelle loi interdisant à tout étranger de posséder plus 49% d’une entreprise locale. La Tunisie, elle, souffre d’un excès de main-d’œuvre qualifiée, qui ne demande qu’une chose : un travail en relation avec sa formation, souvent au rabais. La Tunisie à certes réussi à développer des secteurs comme le tourisme ou encore le textile et la confection. Mais cette stratégie initiée pendant les années 70 est dans l’impasse. Elle révèle surtout à quel point le pays n’a pas su monter en gamme, pour rompre sa trop forte dépendance aux commandes européennes.

La France, pas si loin que ça

Le pouvoir politique en France préfère défendre les intérêts de Bolloré et Total en Côte d’Ivoire, et dans cette région de l’Afrique, plutôt que de parler de la situation au Maghreb.

C’est que Ben Ali le Tunisien, Boutéflika l’Algérien et le roi du Maroc sont des amis de longue date du néocolonialisme français.

Quoi de surprenant, quand on prive une jeunesse de tout avenir, qu’elle se révolte ?

A tous ceux parmi les employeurs en France, qui ferment les portes des entreprises aux jeunes, nous leur conseillons de regarder l’état actuel des rues d’Alger et de Tunis. Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.

La jeunesse est un quartier sensible à elle toute seule.

JG

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