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filpac Gascogne Mimizan
6 février 2012

SELON UMP / MEDEF: VIVE L'ALLEMAGNE La

SELON UMP / MEDEF: VIVE L'ALLEMAGNE
La compétitivité allemande ? 20% de travailleurs pauvres !

lundi 6 février 2012

LE MIRACLE ALLEMAND, À QUEL PRIX ?

Une société à deux vitesses. Pour renforcer sa compétitivité et exporter, l’Allemagne à libéralisé son marché du travail et précipité une part croissante des salariés dans la précarité : absence de salaire minimum, travail à temps partiel, "mini jobs" sans assurance maladie ou petit boulots payés 1 euro de l’heure. Aujourd’hui, près d’un travailleur allemands sur cinq est « pauvre ».

L’économie sociale de marché : Bismarck en avait jeté les premières bases, Konrad Adenauer l’avait institutionnalisé et Gerhard Schröder a cherché à l’adapter… Jusqu’à la tuer ? La "Sozial Markt Wirtschaft", basée sur le principe de cogestion, un syndicalisme de concertation, un système de hauts salaires et une redistribution forte des ressources a longtemps été un facteur d’intégration professionnelle et sociale en Allemagne.

Son empreinte est encore présente, en témoigne les 1,5 million d’emplois sauvés lors de la récession de 2009. Au plus fort de la crise, l’Etat, les entreprises et les salariés avaient joints leurs efforts pour instaurer le système de chômage partiel et permettre ainsi à l’Allemagne de ne pas tomber de la récession à la dépression économique.

Un euro de l’heure

Pourtant depuis la mise en place des lois Hartz, au début des années 2000, la machine semble s’être enrayée. La libéralisation du marché du travail, destinée à rendre l’Allemagne plus compétitive, a d’abord eu pour conséquence de reléguer les chômeurs de longue durée dans la pauvreté.

La réforme Hartz s’appuyait sur le slogan "Fördern und fordern" ["promouvoir et exiger"]. Avec son entrée en vigueur, tous les chômeurs de plus d’un an ont vu leurs allocations chômage diminuer jusqu’au niveau de la Sozial Hilfe, l’équivalent pour nous de l’ancien RMI.

Pour ces chômeurs, la réforme signifiait une descente immédiate dans la pauvreté, détaille Brigitte Lestrade, professeur de civilisation contemporaine allemande à l’Université de Cergy-Pontoise.

Les recherches de cette spécialiste des questions d’emplois* établissent aussi clairement un lien entre ces réformes et l’accroissement important du nombre de salariés précaires.

Afin d’"activer" les chômeurs, les lois Hartz ont choisi de s’attaquer en priorité aux "Anspruchdenker", les "profiteurs du système". En clair, les sans-emplois accusés de se complaire dans leur situation au frais du contribuable.

Depuis 2005, le demandeur d’emploi doit faire des démarches "positives" bimensuelles, et peut surtout être contraint d’accepter un emploi moins payé que le précédent, plus éloigné ou en-dessous de ses qualifications sous peine de perdre ses subsides.

On a également assisté à la prolifération de deux nouveaux types de contrats :

• Les Mini-Jobs : des contrats à temps partiel, payés 400 euros par mois, qui permettent aux employeurs d’être exonérés de charges mais prive ses bénéficiaires d’assurance maladie et travail. Ils n’ouvrent aucun droit à la retraite ou aux allocations chômage.

• Les 1 euro-jobs, ces fameux contrats payé un euro de l’heure : généralement pour des travaux d’intérêt public.

L’équivalent de l’Insee en France, le bureau Destatis, rend compte de l’augmentation de la précarité et des formes qu’elle recouvre : entre 1999 et 2009, toutes les formes de travail atypiques se sont accrues d’au moins 20%.

Les mini-jobs tiennent le haut du pavé, avec une augmentation de 47,7%, simplement devancés par le boom de l’intérim (+134%). Ces formes de contrats sont également très répandus chez les retraités : 660 000 d’entre eux combinent leurs pensions à un Minijobs. [A lire, le 3ème volet de notre série : Ces retraités allemands obligés de retourner au travail]

"Dumping salarial" pour rester compétitif

En mai 2011, les statistiques officielles faisaient désormais état de 5 millions de mini-jobs. Plusieurs scandales ont éclatés en Allemagne ces dernières années, mettant en cause des grands groupes accusé de "faire leur beurre" sur ces salariés précaires.

Certaines entreprises ont voulu tirer profit du système, privilégiant, par exemple, deux ou trois mini-jobs, fiscalement neutres, à l’embauche d’un salarié en plein-temps. Ce fut notamment le cas de la chaîne Schlecker, leader des drogueries en Allemagne, accusée l’an passé par le syndicat Verdi de faire du "dumping salarial". A l’époque l’affaire avait fait grand bruit, obligeant la ministre du Travail, Ursula Van der Leyen, à monter au créneau.

Plusieurs rapports ont également mis en avant les dérives d’un système, qui s’apparentent à une déflation compétitive : quand l’amélioration de la compétitivité passe par une baisse des coûts salariaux.

Au niveau international, l’Allemagne se distingue comme une société à deux vitesses en ce qui concerne le marché du travail (…) En Allemagne, encore plus que dans les autres pays membres, les employés sans emploi fixe sont les principales victimes de la crise. concluait l’OCDE en janvier 2010.

2 millions de salariés à moins de 6 € l’heure

Les salariés occupant un mini-job ne sont en effet pas les seuls à être mal payés en Allemagne où aucune loi fédérale ne fixe de salaire minimum (chaque branche d’activité dispose de sa propre grille de salaire, négociée avec les syndicats). Une situation quasi unique en Europe. Résultat, les travailleurs pauvres représentent près de 20 % des employés allemands.

En août 2010, un rapport de l’Institut du travail de l’université de Duisbourg-Essen a en effet établit que plus de 6,55 millions de personnes en Allemagne touchent moins de 10 euros brut de l’heure - soit 2,26 millions de plus en 10 ans. En majorité d’anciens chômeurs que le système Hartz a réussi à "activer" : les moins de 25 ans, les étrangers et les femmes (69% du total).

Par ailleurs, 2 millions d’employés gagnent moins de 6 euros de l’heure Outre-Rhin et, en ex-RDA, ils sont nombreux à vivre avec moins de 4 euros par heure, c’est-à-dire moins de 720 euros par mois pour un temps complet. Les allocations sociales permettent alors de compléter leurs ressources.

Un système contre-productif

En Allemagne, on les appelle les Aufstockers : ils travaillent en général moins de 15 heures par semaine, et vivent de leurs revenus du travail et des aides sociales. Début 2010, ils étaient aux alentours d’un million, nombre en constante augmentation.

Pourtant, avec le système Hartz censé les inciter à reprendre un emploi, ils n’ont pas intérêt à travailler plus. Contrairement à ce que Martin Hirsh a cherché à faire en France avec le RSA, le supplément de salaire gagné est annulé par une perte d’allocation chômage.

Le système Hartz n’est pas incitatif, c’est un leurre. En analysant les chiffres, nous avons établi que pour 100€ de salaire, le travailleur perd 20% de ses aides, pour 800€ il en perd 80%, affirme Brigitte Lestrade.

Le "minimum vital digne" estimé à... 374 euros

A l’été 2010, en soustrayant le million d’Aufstockers aux 4,9 millions d’actifs bénéficiaires de Hartz, on arrivait alors à 3,9 millions de chômeurs longue durée, vivant exclusivement des allocations. Au sein de cette catégorie, deux populations sont en première ligne : les familles monoparentales et les seniors.

Le problème des conditions d’existence des bénéficiaires d’Hartz IV a pris un tour dramatique quand trois familles se sont portées partie civile devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. En février 2010, le tribunal a finalement déclaré la Loi Hartz IV constitutionnelle, mais de demandé au législateur de revaloriser l’allocation de base.

La Cour a notamment jugé que le mode de calcul retenu violait le droit au "minimum vital digne" garanti par la constitution. De 359 euros par personne, l’allocation minimum a depuis été revalorisée à 374 euros...

*Auteur de plusieurs ouvrages sur le marché du travail en Europe, notamment L’emploi des seniors – Les sociétés européennes face au vieillissement de la population active, éditions-harmattan, 2006.

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